Pour vous qui appréciez la poésie...
Les vendanges
Hier on cueillait à l'arbre une
dernière pêche,
Et ce matin voici, dans l'aube
épaisse et fraîche,
L'automne qui blanchit sur les
coteaux voisins.
Un fin givre a ridé la pourpre des raisins.
Là-bas voyez-vous poindre, au bout de
la montée,
Les ceps aux feuilles d'or dans la
brume argentée?
L'horizon s'éclaircit en de vagues
rougeurs,
Et le soleil levant conduit les
vendangeurs.
Avec des cris joyeux ils entrent dans
la vigne;
Chacun, dans le sillon que le maître désigne,
Serpe en main, sous l'arbuste a posé
son panier.
Honte à qui reste en route et finit
le dernier!
Les rires, les clameurs stimulent sa
paresse.
Aussi, comme chacun dans sa gaîté se
presse!
Presque au milieu du champ, déjà
brille, là-bas,
Plus d'un rouge corset entre les
échalas.
Voici qu'un lièvre part; on a vu ses
oreilles.
La grive au cri perçant fuit et rase les treilles.
Malgré les rires fous, les chants à
pleine voix,
Tout panier s'est déjà vidé plus
d'une fois,
Et bien des chars, ployant sous
l'heureuse vendange,
Escortés des enfants, sont partis
pour la grange.
Au pas lent des taureaux, les voilà
revenus,
Rapportant tout l'essaim des marmots
aux pieds nus.
On descend, et la troupe à grand
bruit s'éparpille,
Va des chars aux paniers, revient,
saute et grappille,
Près des ceps oubliés se livre des
combats.
Qu'il est doux de les voir, si vifs
dans leurs ébats,
Préludant par des pleurs à de folles
risées,
Tout empourprés du jus des grappes
écrasées.
Poème de Victor de Laprade (1812-1883)
Daniel Ridgway Knight (1839-1924)